En février 2020, en plein début de pandémie, la jeunesse découvrait les doux plaisirs de l’isolement social, et pour certains, du chômage partiel. Un terrain paradoxalement fertile à la rencontre, à la promiscuité et à l’enrichissement des GAFAM. C’est dans ce contexte de chaos sanitaire et social qu’est né JERRY HORNY, étrange corporation qui propose de « révolutionner l’industrie grâce au business de la club music ».

Au moyen de compilations musclées et d’une communication absolument délirante, l’entité née d’un goût partagé pour le cynisme et les bons skeuds a jeté un vent de fraîcheur sur la scène électronique française, et s’est imposée dans les playlists des DJs les plus réputé(e)s – VTSS ou u.r.trax, entre autres. Une success-story racontée par Ange de Larue, libre-esprit anarchique à l’origine de la « contre-identité visuelle » du label.

 

« À l’origine, JERRY HORNY, c’est né d’une bande de copains qui s’ennuyait beaucoup pendant les premières semaines du premier confinement en 2020. On discutait sur Discord, on jouait à des jeux genre Pictionnary… Mais ce n’était pas assez : on s’ennuyait quand même trop. Un jour, Matthieu (aka. Maté, producteur et DJ) est venu dans le chat vocal et a dit : « Eh les mecs, venez, on monte un label de musique ! »

On a eu un genre de fulgurance et on a tout mis en place pour le faire. Maté et Paul avaient déjà leur collectif – Patates Braves. Ils avaient déjà booké des types qui pèsent pas mal dans le game de l’électro, de la ghetto-tech et tout. On avait quelques copains producteurs qui étaient assez chauds… Bref, il y avait un terrain fertile ! Un effet boule de neige nous a permis de réunir des artistes et des morceaux bien cool dès la première compilation. Tout le monde avait envie de mettre son grain de sel et, l’idée, c’était que ce soit un peu marrant. On a passé trois semaines à chercher un nom avant de trouver JERRY HORNY – une réf à Jerry Horne, ce type déjanté qui fait de la négoce dans Twin Peaks… C’est là que l’esthétique a commencé à se préciser. »

@jerryhornyz
@jerryhornyz

“C’est une critique de l’ultra-libéral ”

 

« À l’époque, je bossais pour une start-up qui faisait des vidéos hyper chiantes, et un mec faisait le buzz sur le net avec sa vidéo : « La question, elle est vite répondue ». Un tas de vidéos dans le genre cherchaient à te vendre une méthode pour faire des millions sans bouger de chez toi au début du COVID. On a eu envie de parodier ce délire et ça a donné la pub de la première compile dans laquelle j’apprends aux gens à « devenir indépendant financièrement grâce au business de la ghetto-tech tout en minimisant son capital risque ». La douille, c’est qu’on vend une technique de management financier qui permet de générer de l’argent. Hors, en réalité, le management d’équipe, la gestion de l’argent, ce n’est clairement pas ce qui nous définit le mieux.

@jerryhornyz

Ensuite, est venu l’artwork. On y voit deux associés se serrer la main ; manière d’affirmer notre sensibilité business tout en rappelant le côté collaboratif et bon enfant du projet. Puis les employés de JERRY HORNY, aux visages hyper lisses qui n’appartiennent à personne… C’est une critique de l’ultra-libéral et du fait que les employés ne sont qu’employés, restreints à leur productivité. Qui sont-ils ? On s’en fout : ils sont interchangeables ! On a carrément créé un filtre qui permettait à n’importe qui de lutter contre le chômage en devenant un employé de JERRY HORNY. Marrant, puisque c’est en partie grâce au chômage partiel qu’on a pu monter ce projet. D’ailleurs – en vrai de vrai – je trouve que Macron a été chaud sur ce coup ! »

 

“Et là, tout a pris sens”

 

« Bref, j’ai continué pendant longtemps à faire des trucs sans vraiment comprendre pourquoi jusqu’au jour où j’ai fait ça – il montre un visuel : une boîte de conserve sur laquelle figure le logo illisible de JERRY HORNY. Ce jour-là, je travaillais aux bureaux du magazine Antidote mais je n’avais rien à faire. J’étais contraint à squatter l’open-space pour justifier mon salaire, et ça m’a inspiré ce truc.

À ce moment-là, j’étais aux réalités du travail de graphiste : que tout soit toujours très lisible, qu’on identifie bien le produit et que le créatif – au final – on s’en tape. Cette image est née en réponse à mes frustrations de graphiste, comme une contre-identité visuelle. Grâce à JERRY HORNY, j’avais pour la première fois la sensation d’être artiste. Et là, tout a pris sens ».

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En dépit de toute la satire convoquée, JERRY HORNY s’est imposé comme l’une des écuries les plus prometteuses du nouveau vivier parisien. Depuis sa fondation en février 2020, le label a déjà fait paraître trois compilations toute plus démentes les unes que les autres marquées par les apparitions de Hermeth, DJ Mell G, Amor Satyr ou encore Nova Cheq.

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