Le combo parfait ! Un jeune artiste rap français dont on apprécie particulièrement la musique et l’image, Jwles. Pas le plus connu, pas le plus médiatique (pour l’instant), mais un réel talent et un potentiel énorme. La passion et la sincérité avec. Bien entouré (Bob Marlich, Mad Rey, Red Lebanese…), Jwles a ce quelque chose en plus qui fait qu’on souhaitait réaliser un sujet sur lui. Et puis on a réfléchi à la personne pour l’interviewer… Un nom est venu : Texaco aka Uncle Tex. Une figure du hip-hop et de la street culture française. Après un coup de fil, il s’est en plus trouvé que Tex connaît très bien le père de Jwles pour avoir été à la fac avec lui. Et qu’il suit donc, et apprécie, le fils autant que l’artiste, depuis un moment. Go pour l’entretien. Et pour la photo ? Nous avons demandé à Lou Matheron, une photographe au parcours déjà impressionnant, qui nous a semblé toute indiquée pour faire son portrait. Bienvenue dans l’univers de Jwles.

@loumatheron
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Comment as-tu découvert le hip-hop ?

 

J’ai le souvenir que mon père écoutait beaucoup de rap à la maison quand j’étais petit. Quand j’avais 7 ans, ma mère m’a acheté l’album de Guru « Jazzmatazz », ensuite mon père m’a offert le deuxième album de 113 et m’amenait voir des concerts de rap régulièrement. C’est donc assez organique, j’ai toujours baigné là-dedans.

Plus tard, j’ai pris des cours de danse et  j’ai un peu taggué, mais je n’ai pas poursuivi. C’est un peu comme si je voulais avoir un pied dans le hip-hop mais que je ne savais pas vraiment comment rentrer dedans.

J’écoutais surtout du son en fait.

 

À partir de quel moment te décides-tu de te mettre à rapper ?

 

Vers 16-17 ans, j’habitais à Grasse (dans le sud de la France) et je jouais au basket en club, avec mes potes après les matchs, on chillait, on écoutait du son. Un jour, on s’est chauffé : « Venez, on choisit une instru et la semaine d’après, on revient avec un texte chacun et on rappe sur cet instru ! ». Ça nous a fait kiffer, on a même réussi à enregistrer nos voix dessus. Ensuite, on rappait tous les soirs, on improvisait, cela a créé une dynamique autour de moi, beaucoup de gens se sont mis à rapper. À partir de là, c’était parti. Après le bac, je suis parti à Paris pour faire mes études et là, j’ai vu que le hip-hop était très développé en région parisienne comparé au Sud de la France. Je n’ai plus rien lâché.

 

Quelles sont tes influences françaises et américaines ?

 

Il y en a plein, mais une de celles qui m’a le plus matrixée et que je considère un peu comme un mentor, c’est Allen Iverson le joueur de basket. Étant moi-même fan de rap et de basket, il représentait vraiment la fusion de mes deux passions (nb : rappelons qu’Allen Iverson fut le premier joueur de NBA à afficher clairement une « dégaine hip-hop » pendant les matchs ; tatouages, tresses couchées, attitude, accessoires un peu fou. Il a d’ailleurs eu de nombreux problèmes avec les instances de la League à cause de ces frasques vestimentaires).

Sinon niveau rap US, j’ai été aussi bien influencé par le rap old school (il cite Wu Tang Clan et Slick Rick entre autre) que par le rap, la trap et la drill actuelle.

J’aime bien l’approche de Slick Rick et sa façon de raconter les choses (nb : Jwles a grandi à New York, il est donc parfaitement bilingue). Je ne viens pas de la street donc je n’allais pas chercher à écrire des textes qui racontent la réalité de la street, j’avais besoin d’autres sources d’inspiration, et Slick Rick avec son storytelling et sa narration et sa manière bienveillante de partager son savoir d’une manière à la fois didactique, mais cool me convenait parfaitement.

Le Wu Tang Clan m’a aussi beaucoup inspiré sur leur manière de traiter les samples. Et les sons, leur couleur musicale, cela m’a beaucoup marquée.

Bien entendu, j’ai saigné Snoop Dogg, 50 cent et surtout Lil’ Wayne (à une époque je m’habillais même comme lui).

Pendant longtemps, je n’avais un regard que sur le rap U.S, j’étais au collège à Grasse à une époque où, là-bas, personne n’écoutait de rap et encore moins de rap français, j’ai donc mis du temps à y avoir accès (hors NTM que mon père écoutait et le fameux album du 113 qu’on m’avait offert). Du coup, c’est en rentrant au lycée que j’ai commencé à rattraper mon retard. Au final, cette découverte s’est faite au bon âge car plus tôt, je n’aurais pas tout compris et je n’aurais pas eu la même analyse. C’est en découvrant le rap de l’époque Time Bomb / La Cliqua que j’ai vraiment kiffé le rap français.

Sinon hors rap, j’essaye d’écouter de tout, du reggae à la funk en passant par du Erikah Badu, du Saint Germain ou de l’électro.

Je kiffe la musique et l’art de façon générale donc j’adore découvrir de nouvelles choses, je suis toujours à l’affût !

@loumatheron

Parles-nous de ton premier crew, LTR Worldwide…

 

Quand mes parents sont partis vivre à Hong Kong, j’ai revu un ami d’enfance là-bas et il m’a présenté un de ses amis. Ils étaient tous au lycée français, je venais de commencer à rapper et eux faisaient de la peinture, du design et kiffaient le hip-hop. On était tous au début de notre parcours artistique. Cette rencontre a été très forte pour moi. On est parti faire nos études à Paris et on décidé d’habiter ensemble, on habitait dans une maison à Saint-Denis et on a décidé de créer ce crew multi disciplinaire pour se donner de la force les uns et les autres et essayer d’avancer ensemble. Ce trio de départ s’est vite agrandi en intégrant des producteurs, d’autres artistes, des graffeurs. Avec le temps, chacun a évolué, on a aussi vite capté qu’un collectif, c’était compliqué à gérer au jour le jour… On a donc collectivement décidé de se séparer en tant que crew, en bonne entente. Mais on continue en forme associative.

 

Raconte-nous ta connexion avec tonton Rim’k du 113 ?

 

C’est grâce à Bob Marlich. Venant du 94, il connaît bien Rim’k, il parlait souvent avec lui de nos sons. Il est venu une fois à l’émission de Bob Marlich sur Hotel Radio, il s’est ambiancé grave sur nos sons et m’a bien checker. On a commencé à se faire écouter des sons, il est venu me voir en concert à la Bellevilloise et il est monté sur scène avec moi. C’est une connexion forte car ça c’est fait naturellement et humainement. C’est une vraie fierté pour moi que Rim’k me valide.

@loumatheron

Tu es très pointu sur ton choix d’artistes et de graphistes pour tes visuels, peux-tu nous en parler ?

 

J’aime l’art, je suis tout le temps en train de regarder le travail des visual artists. Quand je repère des trucs qui me plaisent et qui collent à mon image et délire, je mets ça de côté pour plus tard.

Je laisse aussi les artistes venir à moi, vu que je ne peux pas avoir de budget pour mes visuels, il faut que ce soit un échange avec les visual artists, que chacun de nous deux y trouve son compte.

À force de sortir des pochettes très graphiques, les artistes ont également remarqué que je m’intéresse à leur taf et de plus en plus, ils me sollicitent pour savoir si ça m’intéresse de travailler avec eux.

Il y a aussi des gens autour de moi que je trouve très talentueux et je cherche à leur envoyer de la force en mettant leur travail en avant. Cela crée une espèce de communauté où chacun se booste. Un genre de cerce vertueux.

Je fonctionne de la même manière avec les beatmakers d’ailleurs.

Et je n’hésite pas à sortir de ma zone de confort quand je kiffe un artiste et si le kiffe est mutuel.

Dans la team, chacun se concentre sur son truc mais tout le monde est pluridisciplinaire donc ça crée une vraie émulation entre nous.

 

Peux-tu nous expliquer ce qu’est le DMV flow que tu utilises ?

 

DMV, ce sont les trois États US ou a été développée cette manière de rapper, DC (Washington), Maryland et Virginie.

C’est une technique de flow où tu rappes à contre-temps, qui s’utilise surtout sur la trap et la drill mais qui commence maintenant à être aussi utilisée sur des morceaux plus boom bap.

J’utilise ça dans mon rap car j’écoute beaucoup de trap et je trouve que cela s’adapte bien à la langue française.

Contrairement aux autres flow, la particularité du DMV est que tu enregistres phrase par phrase, contrairement aux autres flows classiques où tu enregistres tout ton texte en une ou deux prises de voix.

 

Parles-nous de ta rencontre avec Pedro Winter et le label Ed Banger.

 

En fait, ça c’est fait aussi grâce à Hotel Radio où j’allais souvent mixer, du coup j’ai commencé à être en bons termes avec le boss de la radio (JC). C’est là-bas que j’ai rencontré Mad Rey, les deux étant également proches de Pedro Winter. On s’est dit que certains de nos sons aux sonorités plus électro pouvaient lui parler.

JC a donc organisé un déjeuner avec Pedro, suivi d’une émission où Mad Rey a joué pas mal de nos sons, il a kiffé direct (ça lui a rappelé des projets qu’il avait avec DJ Mehdi de développer ce genre de son crossover entre hip-hop et électro et qu’ils n’avaient jamais pu mener à bien suite au décès de Mehdi). Une semaine après, on avait rendez-vous avec lui, il a signé direct Mad Rey (qui est aussi un producteur électro) pour un projet, et j’apparais sur le single de ce projet.

C’est un moment très important pour nous, car même si on fait de la musique depuis longtemps, on n’a pas de médias qui nous soutiennent et le fait d’être validé par Pedro a débloqué beaucoup de choses en terme de business et de visibilité médiatique.

 

Même si tu n’a plus un crew comme à l’époque de LTR Worldwide tu as quand même un équipe avec laquelle tu travailles de façon récurrente…

 

Il y a bien sûr Mad Rey et Bob Marlich, mais aussi Blasé, Le Lij ou bien Mani Vision qui réalise mes clips. En fait j’ai plein de potes créatifs qui gravitent autour de moi et on se donne tous mutuellement de la force sans forcement formaliser cela avec un nom. Avec nos expériences passées, on se dit qu’il ne faut plus faire ça, former un crew ça t’enferme un peu dans un carcan.

 

Ton rapport à la sape, aux marques ?

 

J’essaye d’avoir un style un peu différent tout en restant moi-même. Plus jeune, je kiffais la sape mais je n’osais pas trop m’affirmer. C’est vers 17 ans que j’ai commencé à mettre des fringues en rapport avec le hip-hop (tee shirt G-Unit etc.), à mieux capter les styles de rappeurs comme le Wu Tang ou de skateurs comme Harold Hunter et à m’intéresser aux marques. Mon père voyageant beaucoup, il me ramenait des pièces et des paires introuvables ici. Et à Grasse, j’allais dans les friperies chiner des pièces « à l’ancienne ». J’adore la sape, mais je sélectionne plus à l’instinct. Je ne suis pas du genre à dévorer tous les lookbooks et être à l’affût de toutes les drops à venir.

 

Sur quoi travailles-tu en ce moment et quels sont tes projets?

 

Je crée et je prépare constamment la sortie de nouveaux titres. J’ai tout récemment fondé mes propres structures (Le Zin Records et l’association LTR Worldwide). Je participe à mes premiers festivals cet été (Les Plages électroniques à Cannes et Le Touquet Festival).

Je commence à pouvoir générer pas mal de choses au travers de la création et de mon image d’artiste. C’est ce que j’essaie d’entretenir et de développer tous les jours pour pouvoir continuer à créer selon mes envies, idées, impulsions, et mes rêves.

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